Un nouveau projet immobilier à Beyrouth, Venus Towers, prévoit la destruction d'un port phénicien vieux de 2500 ans. L'affaire a été mise à jour il y a quelques mois notamment par l'écrivaine Marie-Josée Rizkallah, qui vient de lancer un nouvel appel à éviter cette destruction. De leur côté, les promoteurs proposent de drôles de solutions. Nous avons voulu faire le point sur ce dossier. Et nous vous proposons au passage de jeter un œil sur les plans des appartements des Venus Towers, qui, eux aussi, nous posent question.

 

Le port phénicien de Beyrouth égrène ses dernières heures après 2500 ans d’existence: c'est un cri que pousse Marie-Josée Rizkallah sur le site Libnanews, par mail, et via les réseaux sociaux. Elle demande, supplie la presse et les citoyens d'arrêter le massacre. Le massacre de l'identité libanaise, de son histoire, de son héritage.

« Vous qui lisez ces phrases, êtes les seuls garants de notre passé et de notre patrimoine, parce que ceux qui sont censés l’être, depuis la fin de la guerre civile, n’ont fait que le fouler aux pieds de leurs intérêts personnels étriqués. Réveillons nos consciences et unissons nos voix, et dites non à ces géants de bétons et d’acier qui ravagent notre capitale et détruisent la mosaïque culturelle qu’est Beyrouth. »

Les mots sont forts, précis et ils frappent très dur, là où ca fait très mal.

« Il existe une volonté d’abêtir le peuple et de le diviser pour mieux faire régner un régime vampirique empreint de corruption. » Déclare Marie-josée Rizkallah. « Il est clair que le Liban croule sous le poids de problèmes d’ordre économique, social, politique, et que ses citoyens vivotent dans des conditions dérisoires les incitant à partir pour se frayer une voie dans d’autres contrées. Mais le réel fléau, la base de tous les malheurs écopés par ce Liban meurtri, est la perte de son identité culturelle qui a automatiquement scindé le peuple en communautés confessionnelles. »

Elle touche un point sensible et essentiel: le Liban n'est pas naturellement voué aux divisions confessionnelles et à la guerre civile. Ces divisions sont aussi le résultat, depuis la fin de la guerre, de la destruction systématique de l'identité libanaise par des intérets à court terme qui rase la mémoire et, avec elle, l'identité.

Dans ce cas précis, c'est Vénus Real Estate qui est sur le banc des accusés. La société prévoit de construire un immense complexe de trois tours gigantesques en centre-ville. Jusqu'ici rien d'inhabituel. Mais en creusant, on s'est rendu compte de l’existence d'un vieux port phénicien du Veme siècle avant JC. Là encore, rien d'étonnant pour une ville riche de 5000 ans d'histoire.

Et, comme de coutume, le promoteur immobilier veut tout bétonner. 

Mais de nombreux citoyens libanais comme Marie-Josée, ne l'entendent pas ainsi et annoncent leur volonté de protéger de l'appétit des promoteurs ce que la guerre n'a pas pu détruire. Un premier article de Marie-Josée avait déjà lancé la bataille contre le projet Venus. La société avait répondu par un argument un peu spécieux : « ce n'est pas un port phénicien », ou en tout cas on n'en est pas vraiment sûr. Dans le doute, il semble très important de bétonner le plus vite possible.

Face à la pauvreté des arguments, Hassan Jaafar, responsable du projet, s'est tout de même donné la peine d'aller débattre en personne dans les commentaires de l'article, ce qui mérite d'être souligné.

Poussé dans ses retranchements, M. Jaafar va jusqu'à soupçonner une conspiration dont les média feraient partie : 

« Si vous lisez attentivement les différents articles, vous remarquerez qu'ils cachent des messages politiques, plutôt que l'annonce d'une trouvaille historique, » déclare-t-il, ajoutant que « cela a créé une situation très embarrassante surtout que les actionnaires de l'entreprise sont des hommes d'affaires libanais estimés qui n’ont aucune présence ou alliance politique. » Pourtant,  le logo de Solidere trône en bonne place sur le site internet juste en dessous de celui de Venus Real Estate (certains actionnaires de Solidere font ou on fait partie d'alliances politiques).

Comme ultime excuse, le promoteur indique avoir proposé un projet de déplacement du site archéologique, toute autre solution selon lui reviendrait à affaiblir la structure de l'édifice. Il cite plusieurs fois l'exemple d'Abu Simbel comme preuve du succès de déplacement de site archéologique. Dans les années 60, l'UNESCO avait sauvé le site en le déplaçant. Il était en effet menacé par la construction du barrage d'Assouan.

Nous sommes en 2012, l'UNESCO est amputée de 22% de son budget, punie pour avoir reconnu la Palestine. Venus Real Estate n'est pas Gamal Abdel Nasser et les tours prévues ne fourniront pas le moindre Ampère, ni le moindre centimètre carré de terre cultivable à la population. 

Non, ce que Venus Real Estate prévoit de faire, ce sont d'immenses appartements de 250 à 1129 mètres carrés, avec, en plus de la vue et de l'inévitable centre commercial supplémentaire, des réponses à d'autres besoins bien spécifiques. Venus Real Estate a en effet pourvu chacun de ses appartements d'une minuscule pièce d'environ 5 mètres carrés appelée « staff room », comprenez "chambre de bonne".

Ici dans le Block A, la Staff room est idéalement situé dérrière la Laundry room:

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